Conseils pour prendre des décisions stratégiques délicates
Conseil n° 1 : Ne laissez pas trop de temps aux groupes pour concevoir des propositions séparément
De nombreux groupes ont tendance à se diviser en petits groupes auxquels il est donné trop de temps pour concevoir des propositions de campagne. Une fois ces propositions affinées et finalisées, les groupes se réunissent de nouveau pour se présenter leurs travaux respectifs. Par exemple, lors d’une réunion de réflexion stratégique, les sous-groupes se sont séparés pendant une demi-journée dans le but de peaufiner leurs plans. Ce n’est généralement pas une bonne idée dans la mesure où les personnes investissent alors énormément d’efforts dans « leur » proposition.
Pour arriver à une décision, les participants doivent pouvoir renoncer à « leur » proposition pour en accepter une qui sera celle du groupe, ce qui nécessite de mettre leur égo de côté.
Pour y parvenir, il faut laisser moins de temps aux gens pour élaborer leur proposition. Demandez-leur ensuite de se regrouper à nouveau pour présenter leurs propositions au groupe complet et lui permettre de formuler des commentaires ; alors seulement les petits groupes de réflexion pourront de nouveau se former afin d’apporter les modifications nécessaires.
Conseil n° 2 : Évitez de prolonger les discussions au sein d’un grand groupe, favorisez de nombreux petits groupes
Ce principe est particulièrement important au début du processus. La plupart des processus de prise de décision sont plus efficaces lorsque de nombreux petits groupes sont créés. Les petits groupes permettent à plus de participants de s’exprimer et facilitent un vrai partage des opinions. Ceci est particulièrement utile lorsque le groupe doit prendre une décision.
Pour éviter de travailler avec un grand groupe, vous pouvez :
- le diviser en petits groupes, chacun ayant une tâche spécifique ;
- recourir à la technique du « circuler et échanger » pour générer des idées et des commentaires ;
- inciter les participants à avoir recours aux sketches pour illustrer les actions qu’ils pourraient entreprendre, au lieu de se contenter d’en parler ;
- employer des outils de planification tels que le « paper plate challenge » (qui consiste à écrire les différentes étapes perçues comme nécessaires pour que la campagne soit un succès) ou le camembert des alliés, ceci afin de mettre tout le monde sur la même longueur d’onde.
Conseil n° 3 : Prendre d’autres décisions moins importantes avant de passer aux décisions cruciales
La prise de décision est une question d’habitude. Les groupes qui s’habituent à prendre des décisions peu importantes adopteront de bonnes habitudes en la matière : faire des concessions, déléguer, écouter, affirmer et se respecter mutuellement. Le fait de commencer par prendre des décisions qui n’ont pas de lourdes conséquences facilitera la prise de décisions plus importantes.
Lors d’une séance stratégique, le facilitateur peut par exemple créer volontairement de nombreux moments de « prise de décision » pour le nouveau groupe (parce que même les détails peuvent faire la différence) en demandant au groupe de :
- décider de la durée de la prochaine pause : 15 minutes ? 20 minutes ? 30 minutes ?
- réaliser une activité physique impliquant une prise de décision, comme le jeu de la couverture ou le menu de tâches ;
- décider quels seront les cinq critères clés pour choisir la prochaine campagne ou les trois problématiques principales sur lesquelles le groupe souhaite focaliser la prochaine campagne.
Conseil n° 4 : Explicitez les points d’accord lorsque c’est possible
Lorsque le groupe se rapproche d’un accord, le facilitateur doit le mettre en évidence. Lors d’une campagne, les sous-groupes reforment le groupe complet pour mettre en commun leurs idées de campagne. Dans le scénario ci-dessus, même s’ils présentent des plans très différents, les groupes peuvent par exemple identifier la même cible et au moins deux tactiques analogues. Le facilitateur doit immédiatement attirer l’attention sur ces points communs. Les idées et valeurs partagées dynamisent en effet le groupe. Des modes de pensée similaires contribuent à consolider la solidarité au sein du groupe.
Conseil n° 5 : « Testez » la décision avant de la prendre
La prise de décision n’est pas un événement ponctuel, mais une série d’étapes particulière à chaque groupe. Pour l’une de ces étape, il est important que les participants perçoivent ce que pensent les autres. Les discussions en grands groupes peuvent convenir, mais l’une des méthodes les plus rapides est de procéder à un exercice appelé dotocracy.
Pour cet exercice, affichez le nom de chaque campagne sur un mur. Distribuez ensuite trois autocollants à chaque participant (de petits autocollants ronds en forme de point, ou « dot » en anglais, sont souvent utilisés pour cette activité, d’où le nom « dotocracy ») ou un feutre (pour dessiner des points). Les participants collent alors les autocollants ou dessinent des points à côté de la campagne de leur choix, un peu comme si l’on procédait à un vote ou à un sondage d’opinion. Il est possible de voter plusieurs fois pour la même campagne, d’attribuer des points à plusieurs campagnes différentes ou de n’utiliser aucun point.
Ce processus est utile dans la plupart des groupes, parce qu’il permet aux participants de réfléchir à leurs propres priorités mais aussi de voir comment le groupe réfléchit dans l’ensemble. Il ne s’agit pas d’une décision, le principe est de montrer au groupe comment pense chacun de ses membres. Cela permet au groupe de « tester » une décision avant de la prendre.
Conseil n° 6 : Si un autre problème émerge au sein du groupe, commencez par le résoudre
La prise de décision pour une campagne est difficile en soi. Si le groupe est distrait par des dissensions générées par un autre problème (querelles intestines, conflit interpersonnel ou rapports de force, p. ex.), les choses se compliquent davantage. Dans la mesure du possible, tentez de résoudre ce problème avant de prendre une décision au sujet de la campagne. Si ce n’est pas possible, faites de votre mieux pour qu’il ne se répercute pas sur la décision, cela évitera que toute la campagne en pâtisse. Si nécessaire, envisagez des mesures alternatives pour résoudre le conflit :
- organisez des séances de prise de parole permettant aux personnes de s’exprimer publiquement sur des problèmes qui leur tiennent à cœur et dont l’ensemble du groupe doit prendre connaissance ;
- s’il y a simplement des tensions dans le groupe, utilisez les types d’équipe ou autres outils permettant aux participants du groupe d’exprimer leurs avis divergents avec humour et légèreté ;
- créez un « bocal à poissons », où deux personnes dont les opinions peuvent sembler irréconciliables s’asseyent ensemble au centre de la pièce. Faites-les communiquer pour qu’ils règlent leurs différends, sous le regard bienveillant du groupe. Ceci permet de prendre connaissance des différentes opinions de l’ensemble du groupe, et révèle souvent des solutions cachées.
- parlez avec les personnes en aparté ou faites appel à des médiateurs.
Voici un exemple d’une séance de deux heures appliquant ces conseils en vue de prendre une décision sur des propositions de campagne (on suppose ici que les propositions ont déjà été formulées) :
- Présentation à l’ensemble du groupe de chaque proposition de campagne (15 minutes)
- A tour de rôle, de petits groupes se penchent sur chaque proposition de campagne ; pour les examiner, se poser des questions et émettre des commentaires (30 minutes)
- Dotocracy : quelle campagne souhaitez-vous ? (10 minutes)
- Pause (10-20 minutes ? Demandez au groupe d’en décider la durée)
- Groupe complet : passez en revue les résultats de la dotocracy et encouragez les réactions (10 minutes)
- En petits groupes : d’après vous, que devrait faire le groupe ? (15 minutes)
- Groupe complet : décision finale (20 minutes)
- Concluez en félicitant le groupe
(Comment faciliter des réunions: La méthode sans recette miracle)